Parchemins faisant





Puisque l'écriture contient elle aussi ses itinéraires, vingt huit ballades vous y conduisent, glissant comme sur un vélin, de la première à la dernière :


Texte premier : "Le papa du bout du monde"


Nous sommes nés l'une à Brest et l'autre à Quimper,

Puisqu'à chacun son pôle aux confins de la Terre,

Etant fille et garçon, que nous n'avons qu'un père,

Nous aimons le rejoindre en son fou Finistère.

 

Nous aimons Locronan et ses dix crêperies,

Quand les feux crêpitant dans les âtres s'oublient,

Que le beurre et le sucre, en ayant très peu ri,

S'accrochent à nos yeux en des astres nourris.

 

Nous aimons de Sainte Anne la plage et la mer,

La mer de dunes que l'on aborde en corsaires,

La palud, sa chapelle et cette bonne mère

Dont on fait trois fois tour quand, parfois, le coeur serre.

 

Nous aimons son Pont-Croix, son vieux rêve celtique,

Et la pointe du Raz, ces contrées désertiques,

Où l'on sent des embruns dont on sait que sel pique,

Nous sommes fleurs du vent quand les grands desserts tiquent.

 

Nous aimons ce papa resté au bout du monde,

Nous l'aimons dans sa joie, sa folie, sa faconde,

Et quelque soit l'ovaire qu'à maman l'on féconde,

Nous aimons ses beaux vers qui éloignent l'immonde.



Texte dernier : "Le vaisseau fait homme"


Comme je dépendais d'une fleur impossible,

Je ne me sentis plus guidé par ses chaleurs,

Et des peaux des corps chiards qu'on écorche, irascible,

J'ai gardé les trophées de ces scalps, en voleur.

 

Vertes immensités de ma béatitude,

A des mères polluées d'infanticides sourds,

J'ai l'amarre à la mer et l'inexactitude

D'horloges immergées au flot d'un verbe court.

 

Inerties enivrantes de notre vice, enfin,

Vous m'avez édicté de vives voies marines,

D'ultimes catacombes et de froids chemins

Aux méandres garnis de boucles serpentines.

 

Et les après-demains nous seraient castrateurs

Sans le glacis frigide et infiniment clos

De tribunaux cursifs qui leur pendent aux leurres

Comme autant de baisers embavés de mégots.

 

Je prendrais par les cornes, et belles et putes,

Pour les faire tourner dans un soleil lunaire,

Tandis que vanités s'affrontant en disputes,

Me laisseraient voguer à leurs bras éphémères.

 

Je doublerais des caps, rugissants quarantièmes,

Anniversaire à rien dans le néant des râles,

Où des vents soutenus d'une langue quantième

Gonfleraient les ventres pudiques de mes voiles.

 

Puis des mains naufragées, à mes bords agrippées,

Se tendraient en haubans sans syndromes aviaires,

En caressant mes flancs de ces larmes salées,

Connues des adeptes de station ferroviaire.

 

Tout fondrait : calottes polaires et couleurs !

Ce qui se fûma tôt dissolverait nos mers

Pour laisser place au fado d'infinies pâleurs,

Sur les rhythmes quiescents qui s'octroient au désert.

 

Mais entre temps, l'hiver, ses giboulées de fuites

Infravermillones et sanguinolentes,

S'épanche de nos vies dont on connait la suite

Dans le cordage faux des violines lentes.

 

Amaranthe ou vermeille, en son estuaire, l'eau,

Aussi, coule en rimmel le long de ses longs cils,

S'en figeant à l'apex, les silencieux sanglots,

Sont les points de rosée de nos tiges graciles.

 

J'ai dressé ma sauvage et mutine mâture

Dans les désagréments de multiples tempêtes,

Faisant fi, faisant Fa de gréements immatures

Dont les clefs égarées me valaient des trompettes.

 

Et du sable irritant et des grains qui rassurent

La coque du navire en insolente mer,

J'ai gardé cicatrice et béante blessure

Qui s'écope en syncope aux cyclopes d'Homère.

 

Odyssée édifiante au royaume des borgnes

Où mes aveuglements naufrageaient mes désirs,

Où quelque terre ferme, à quelque endroit qu'on lorgne,

Se défiait à mes pieds, n'y dévoilant que des ires :

 

La colère océane en vindicte ovulaire,

Fiançaille fuyante à chaque autre sirène

Et détresse alarmante en ses éclats de verre,

M'ont laissé sur le ventre et la grêve à carène.

 

Des naufrages cédés à toute marée verte,

Emmêlé aux cheveux de longues laminaires,

Laminé sur l'estran de hanches découvertes,

Et dans l'anse envasée d'un vase funéraire,

 

Des naufrages fortuits sur ces bancs de hauts-fonds,

Ce bas-fond qui s'en suit, ces culs de basses-fosses,

J'ai vécu comme on fuit en inclinant le front

Sous le noir pavillon sans le crane ni l'os...

 

Alors seule l'attente de marées latentes,

Seul autre mouvement que ce jusant mortel,

Pouvait rendre à mon coeur autre fruit que l'absente,

Pouvait cribler mon bois d'autres veines charnelles.

 

Alors seule la sève d'une Mû nouvelle,

Incontinente terre envahie par les eaux,

Submergeant l'Ararat de mon arche si frêle,

Souffrirait sans passion de me remettre à flot.

 

Métamorphe Atlantide aux lueurs d'arc-en-ciel,

Orichalque aux maniements d'écluses toriques,

Engoncées dans nos peaux comme des écrouelles,

Comme des Ninotchka de digues concentriques,

 

Platonicien mirage au désert de la mer,

Relié au sillage que re-laisse l'étrave,

Tu t'oublies comme autant de Dieux intérimaires

Que l'on prie en croyant devenir une épave.

 

Mais facheuse tendance : "Hardi, mes gens !"

Il n'y a d'autres vents que ceux qui sont ailleurs,

Et du poids qui m'encombre, en allant m'allégeant,

J'en irai recueillir les roses et les fleurs.

 

D'autres lattitudes et tant d'autres chaleurs,

Bercés dans les remous de courants pacifiques,

Fondante Antarctique à tahitienne langueur,

Méridiennes ampleurs en parallèle optique.

 

Mais pourquoi donc dresser les vergues en pantennes ?

J'ai louvoyé dessous des cieux couleur noisette,

Eblouissants d'espoir et dénués de haine,

Sous l'embrassante écume mouillant ma dunette.

 

Dès lors, je sais des ports, comme des robinets,

Grand-ouverts sur des flux d'absolue quintessence,

Dont les destinations en mes creux sont gravées,

Telles lettres ignées allignées d'ignorance;

 

D'une langue oubliée dont je suis la cadence,

Comme d'un hortator, la musique résonne,

Comme d'un coeur sonore, on s'honore en silence,

Je vogue vers les voix des grands feux de l'Automne.


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Auteur cybérien post-Poétique.