Brest





Brest et sa lumière froide, humide, ville d'amours, de fantômes, de marins et de poètes, vous accueille ici pour trente textes, dont voici les deux extrêmes :


Texte premier : "Heures brestoises"


Vêtu d'une extrême fatigue,
Je hante encore les bars de nuit,
J'échange la valse contre la gigue,
Et Brest coule dans l'ennui.

Les choeurs urbains se réaniment
Avec l'Aurore et son manteau
D'oiseaux marins dont le chant rime
Avec les plaintes des matelots.

Je vous guette, je vous observe vivre,
Ivre des heures que je regrette :
L'histoire de Brest est comme un livre
Rempli de pages que l'on jette;
Chaque syllabe, chaque ligne,
Les mots qu'on vient y rajouter
N'ont pour espoir que d'être dignes
D'être aperçus ou bien chantés;
C'est qu'ici, à Brest, rien ne dure,
Les amours passent comme le café,
Des marins partent et, j'en suis sûr,
Des femmes restent alitées.

Vêtu d'une extrême fatigue,
Je distingue dans le brouillard,
Comme un pépin dans une figue,
Un gars qui reste, une fille qui part.


Texte dernier : "Le 6 Janvier"

À Morgane,


C'était à Brest un 6 Janvier,
C'était à Brest et je l'aimais,
La femme-enfant au ventre rond,
La femme qui portait mon nom,
La femme qui portait l'enfant,
C'était il y a presque dix ans,
C'était sous la neige éphémère
Qu'on voit à Brest certains hiver.

C'était à Brest un 6 Janvier,
Et dans la nuit elle accouchait,
Dans la neige je conduisais,
Et nos fous rires énervés,
Et ces chansons t'en souviens-tu ?
A présent que tout est foutu...
A présent qu'on parle au passé
De ces instants tant partagés.

De nos pulsions, loin des dancings,
L'impulsion du monitoring,
Tes contractions, ta main serrée,
Pour ces instants d'éternité,
A mon bras d'homme dépourvu,
Restait la tonne d'amour nu,
De ton bidon, prête à éclore
Vers d'autres feux et d'autres flores...

Puis il y eut la chambre close,
Ces plaintes vives et moroses,
Un préalable à la torture,
Comme dans la Kommandantur,
Et ces futiles magazines
Qu'on feuillette et qu'on ratatine,
Et tes douleurs en contrebas
Des reins que te rongeaient des rats.

Dans la nuit je te laissai là,
En Brest, en quête d'un repas,
En Recouvrance, en Brest froid,
Cette improbable pizzeria,
4 heur' du mat' et la nuit blanche
De cette neige à moitié franche,
Je remontai la rue de Siam,
Passais tout près du pont Schuman.

Quand j'arrivai, comme par chance,
Elle arrivait ta délivrance,
De ce moment si court, si fort,
Quand l'homme n'est que de décors,
Me restent toutes les images
Dont je n'ai cesse à tourner pages,
De ta promesse et de ta voix,
Quand tu serrais petite Anna...

C'était à Brest un 6 Janvier,
Tout reste à me le rappeler,
Nos coups de sang, tes coups de hache,
Ton Anna P, mon Adèle H...
C'était il y a presque dix ans,
Je me sentais si triomphant,
Je le paye cher, même si
C'est le plus beau jour de ma vie.

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Auteur cybérien post-Poétique.