Métiers attisés





De ces occupations farfelues, naissent des allégories de nous-mêmes. Vous reconnaîtrez-vous dans l'une de celles-ci ? En voici deux échantillons :


Texte premier : "Marchand d'ages"


Je m'octroie, d'un seul clac, le porte-containers

qui coulait en mon sang, globule entre mes tempes,

jusqu'à ce chapeau, claque où siffleurs contraignèrent

le saoul rire indécent de l'acier que l'on trempe.

 

Il charriait, épicées, les musiques d'hier,

et les puants engrais de nos espoirs déçus,

comme mes reins brisés, de sa coque égoutière,

des cargaisons fuyaient, qu'on ramasse au chalut.

 

Pourtant, de Capricorne en tropique éphémère,

maïeutiques cancers tatoués à nos peaux,

bien plus loin que l'Elorn, Brest et son Finistère,

j'ai vogué de concert avec d'autres bateaux.

 

J'ai vendu pour deux fous, la détresse ordinaire,

et troqué baladins pour le prix d'une lampe,

quoi qu'éclaire le mou dans le poids d'une aussière,

les amarres sont loin quand on est sur un tramp !

 

La fortune imprévue, qu'on dit "gentilhommière",

a brassé mon mektoub d'opulents oripeaux,

m'excusant d'être nu d'usage et de manières,

mais laissant à mon trouble un commerce nouveau :

 

distribuant à chacun longitude et frontière,

et selon lattitude, lorsque l'aplasie mue,

au nadir de leur sein, l'age de leurs artères,

j'ai rompu corps de rude à grand vers de cigüe !

 

Marchand d'age et d'histoire, aux comptoirs des yeux verts,

apatride de coeur, cambrioleur d'estampes,

regarder n'est pas voir, la leçon n'est amère

qu'à l'aorte en douleur, qu'au vaisseau que l'on clampe.

 

Mais au cargo fantôme où mon âme s'enferre,

jusque dans sa machine étouffante et déchue,

il n'est pas un atome embastillé d'enfer,

que ta main ne dessine à tes heures perdues.

 

Et, voguant au hasard de capricieuses mers,

d'incontinents courants qui m'édictent leurs mots,

je médite au sonar des pensées baleinières :

d'un maudit bic, j'épands celles de mon cerveau...

 

Ne sont que paquebots, minéraliers, minéralières,

à ne pouvoir rêver des libertés des tramps,

puis un jour, deux hublots, sur l'eau couleur vipère,

font choix d'abandonner les positions qu'ils campent.



Texte dernier : "Le rémouleur de l'âme"


« Ils sont infinis tes e-mots,

dans leur berceau de silicone »,

me dit, de légers ris, cerveau,

d’un clignement de cil, icône,

celui ou celle qui, passant

à la meule de mes poèmes,

s’en retournait le cœur patient,

réitérer d’autres « je t’aime ».

 

J’en sais de drôles de couteaux,

à jouer le rémouleur de l’âme,

dans ces contrées où les coteaux

sont faits d’impassions qu’on affame,

quand on a homme ou qu’on a femme,

collimatés dans les viseurs,

qu’il faut garder bien fine l’âme,

et colmater du duel, les heurts...

 

Crrrrrrrrrrr !

Crrrrrrrrrrr !

Crrrrrrrrrrr !

 

Tourne moulin de mes paroles !

Clique clavier reclus des clefs

que je dispense aux barcarolles,

dans ces Venise aux pieds mouillés

d’une eau si lourde de regrets,

que les seconds couteaux subissent

le raclement de leurs passés,

le curetage de leurs vices.

 

L’âme de fond, l’âme de forme,

venez étinceler ma pierre,

dans vos faiblesses si énormes,

et dans vos éclats de colère,

si je suis rémouleur de l’âme,

c’est pour guérir de mes douleurs,

en soignant la blessure infâme

qui nous ôte un jour nos couleurs.


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1 commentaire:

Béatrice a dit…

ils sont beaux tes poêmes... et bon anniversaire

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Auteur cybérien post-Poétique.