Les champs intérieurs





Où tout conduit à un voyage au centre de nos Terres, en trente étapes dont la première et l'ultime vous sont ici présentées :


Texte premier : "Test-amant"


Que ce fut pour une seconde

Ou pour l'éternité,

J'aurais voulu être celui

Que l'on voudrait aimer.

Et qu'elle fut rousse ou blonde,

Périr dans les tranchées,

Ou brune comme la nuit,

Ma paume sur son sein posée,

J'aurais supporté la bombe

Aux éclats dispersés,

Comme des gouttes de pluie,

Comme un miroir brisé.

 

J'en aurais écrit de ces lettres dernières,

Tachées d'amour et de boue

                                               d'ornière,

Parce qu'écrites debout,

                                                 derrière

Des barricades de bout

                                               d'arrière-

Ligne de vie, de garde, et de tout...

Et dans l'attente de ses mots salvateurs,

Comme des balles magiques,

                                       salve à tueurs,

Ecouter leur musique,

                                       sales valseurs,

Au son du ballet mécanique,

                                         salle vapeur,

Ses mots d'amour semés dans ma panique.

 

Que reste t’il des lettres enflammées,

Dans les tranchées, écrites ou lues ?

A ces mots succèdent les noms gravés

Sur les pierres froides des poilus...

 

Nous fûmes tous le premier amant,

                                       la première amour,

                                                  le premier mari,

                                                                    les premiers doutes.

Je fume et tousse, le premier ramant !

                                   La dernière à ce jour !

                                               Le mauvais parti...

                                                           Celui d'en rire sans doute.

Nous serions vains de croire à la chance,

                                               juste à l'envie,

                                                           juste à temps,

                                                                             justification...

Nous servions vins à boire à outrance,

                                   Liberté, liberté chérie,

                                               à nos états décadents,

                                                           nos hymnes moribonds.

 

Et dans notre indigence,

                                       notre pauvreté,

                                                                   notre isolement,

Saule-pleurons des Frances,

                                        massacrifiées,

                                                           aux fronts allemands,

Et dans notre insolence,

                                        malhonnêteté,

                                                                         égoïstement,

Nous feignons l'innocence,

                                   en bons divorcés,

                                                               des morts restants.

 

Que reste t’il des « je t'aime » embrasés,

Puisque le papier brûle aussi ?

Et le soufre des cartouches usées

Se prend deux « f » avec la vie.

 

J'en écrirai encore du plateau de Craonne,

De ces mains dont les doigts

                                                crayonnent,

Les portraits qui de ces endroits

                                                    are gone,

Les cimetières et leurs croix

                                                 d'Argonne.

J'en écrirai des lettres de soldat...

Et dans l'attente d'un courrier incertain,

D'une belle de coeur et d'âme,

                                     l'oeil vert divin,

Puisque le chemin des dames,

                                 et celui de Verdun,

Diverge souvent de nos trames,

                             et de nos vides vains,

Et de nos vies désertées de femmes.

 

Que ce soit pour une seconde

Ou pour l'éternité,

Je voudrais être celui

Que l'on pourrait aimer.

Et qu'elle soit rousse ou blonde,

Je la reconnaîtrai,

Ou brune comme la nuit,

Ma paume sur son sein posée,

De battre en ce monde

Son coeur ne s'est arrêté,

Je sens s'écouler sa vie,

Entre mes deux doigts coupés.




Texte dernier : "L'improbable chant du cormoran"


Si c'est par un rêve qu'on entre en cauchemar,

Et d'un autre rêve que l'on en sort, dit-on,

Ou que nos vies soient si sensibles aux hasards,

Qu'importe alors de l'oeuvre que nous éditons ?

Le son des infinies variations, oui, peut-être...

Et nos témoignages, au jugement dernier

Des combats que nous menons aux fins de renaître,

S'accumulent en jours, comme dans un panier...

Mais s'apposent aux cris des baisers de velour,

Aux larmes de l'écrit, le sel d'embruns corbeaux,

Et d'embruns de folie pour l'océan d'amour

Qu'en plume noire ébène, abordent nos bateaux.

C'est cherchant à percer des banquises sans tain

Où les lueurs passées inversent leur image,

Que nous nous effrayons à coups durs d'un chemin,

Dont nous aurions voulu amortir le passage.

Alors, s'il faut tant et tant corps pour ressentir,

Que nos cravattes serties d'or nous font pourrir,

Comme quelques pendus que l'on greffe à la place

Des amants éperdus qu'eux seuls mêmes remplacent,

Fasse que ce dernier souffle soit opportun,

Et que ce vent se lève pareil aux matins,

Qu'il gonfle nos veines de voiles impudiques

Vers ces pieux rivages que nous savons uniques...

Si, de tous nos champs intérieurs qu'on laisse en friche,

Ne reste que germe etouffé que ronces griffent,

Nous laisserons sans peine, aux charrues du destin,

Le tracé du sillon qui se lit dans nos mains.

 

Mais quand l'autel dépasse

                                      Le poids des sacrifices,

Que nos poignets se massent

                                       Le long des cicatrices,

Vaines sont les bonaces

                                             Et tous les artifices

Que nos cales entassent

                                          En frôlant les récifs.

Et Toi dont un seul mot

                                      Dépourvu de mesure,

Ressemble à ce sanglot

                            Dont on voudrait qu'il dure,

Rassemble le troupeau

                                     Des sentiments impurs

A l'opposé des maux

                                 Qui de nous sont fracture.

Célèbre les bûchers

                                 De mon inquisition,

Et les autodafés

                                 Surgis de mes questions,

Puisque tout doit brûler

                                     Pour la résurrection,

Laisse-moi t'embrasser

                                De flammes de passion.

 

Et des cent mille feux que j'embrasais autour,

Qu'un ver veut ravageur comme on voudrait du sang,

D'onze mille verges d'Apollinaire en tours,

Oh ! Ce soir, je dresserai un camps décent.

J'absorberai des laves rouges d'effusions,

Des larves, des larmes et nos métamorphoses,

Des continents trop pleins et leurs transformations,

Et sur ma mer, les noms quel'on met au « Formose ».

Ces noms d'oiseaux qu'Homère a puisé dans le vent,

Faisant d'un corps mourant et de son galbe atroce,

Le fruit, la matière aux grands cris d'égo, et lents,

S'effriteront les schismes qui nous cherchent crosses :

Je broierai le manichéisme d'une main,

Je boierai sa sève comme on me vampirise,

M'abreuverai des pluies qui tomberont demain,

Eteindre l'incendie qui fut sous mon emprise.

Je suis l'oiseau du feu, de la terre et de l'air,

L'oiseau de l'eau, et, tour à tour, aux éléments,

Comme aux stuppeurs, un fanatique épistolaire

Pour prouver qu'en tout ça, comme en tout, elle ment !

La mante religieuse dévore son mâle !

Ne le saviez-vous point, ô pauvres ignorants ?

L'amante religieusement, aux fleurs du mal,

Savoure l'halali de, là, la lie qu'on rend...

Sur les septentrions règne un soleil nocturne,

Et sur les sept péchés se jouent des capitaux

Décapités, grimpant en lacets de cothurnes,

Sur la jambe d'argile, à chaque chapiteau

Des châteaux de cartes que nous nous construisons,

Et qu'un souffle de vent pourrait annéantir,

Quoiqu'on souffre devant nos portes de prison,

Quoiqu'on s'ouvre un instant, c'est toujours pour partir !

Mais le premier départ, il est hors de nous même,

Lorsque l'écorce tombe ou s'enlève la peau,

Une mort, ça se signe à son assassin blême,

de la lente extrusion des successions de mots.

Si l'on connait le Cygne et sa fin triomphante,

Dont le chant n'envie rien à ce Kookabura,

Qui dans son cri, d'une mélodie lancinante,

S'achève empalé d'une épine d'accacia,

D'autres volatiles, noirs, au vol sans orgueil,

Mais dont la longue apnée au profond des flots clairs,

Laisse au piètre nageur le souci des ecueils,

D'autres faux muets qui sont aussi les rois des airs,

D'autres oiseaux ont leurs notes adamantines,

D'autres Phoenix, un seul, comme un corps qu'on me rend,

Vous offre en ces vains mots, l'enveloppe intestine

Qui contint l'improbable chant du cormoran.


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Auteur cybérien post-Poétique.